Le suivi des arrêts non planifiés représente un élément fondamental de la performance industrielle. La mesure précise et l'analyse de ces temps d'arrêt machine permettent d'identifier les inefficacités, d'optimiser les processus de production et d'améliorer significativement la productivité industrielle globale. À travers le prisme du TRS (Taux de Rendement Synthétique) et du TRG (Taux de Rendement Global), les entreprises peuvent quantifier leurs pertes liées aux arrêts non planifiés et cibler précisément leurs actions d'amélioration. Dans le secteur manufacturier québécois, des entreprises ont réussi à accroître leur productivité de 25% à 35% simplement en réduisant leurs arrêts non planifiés de moitié, ce qui représente pour une PME typique des gains financiers annuels dépassant souvent 500 000 dollars sans investissement majeur en équipement.
Le TRS (Taux de Rendement Synthétique) constitue le premier indicateur essentiel pour évaluer l'efficacité de vos équipements industriels. Vous avez probablement déjà remarqué que sans mesure précise des arrêts non planifiés, il est difficile d'identifier où se cachent les pertes de productivité dans votre usine. Le TRS n'est pas l'indicateur ultime, mais plutôt le point de départ incontournable de toute démarche d'amélioration.
Ce qui rend le TRS si pertinent, c'est sa composition. Il résulte de la multiplication de trois sous-indicateurs indépendants:
Cette décomposition permet d'identifier précisément où se situent les problèmes liés aux arrêts non planifiés: est-ce que vos machines s'arrêtent trop souvent, tournent trop lentement, ou produisent trop de rebuts?
Prenons un exemple concret: une presse à injection de plastique qui opère sur un quart de 8 heures a connu 120 minutes d'arrêts non planifiés, fonctionne à 80% de sa vitesse nominale et produit 95% de pièces conformes. Son TRS se calcule ainsi:
Ce résultat signifie que la presse n'est réellement productive que pendant 57% du temps planifié. L'analyse des 120 minutes d'arrêts non planifiés révèle souvent un potentiel d'amélioration considérable: si vous parvenez à réduire ces arrêts de moitié, votre taux de disponibilité passerait à 87,5% et votre TRS à 66,5%, soit une augmentation de productivité de près de 17%.
Vous vous demandez peut-être comment distinguer le TRS du TRG. La différence fondamentale réside dans le calcul du temps de référence:
Le TRS (Taux de Rendement Synthétique) utilise comme référence le temps de production planifié. Cela signifie qu'on soustrait déjà les arrêts planifiés (pauses, maintenance préventive, etc.) du temps total disponible.
Le TRG (Taux de Rendement Global) prend en compte le temps total disponible, incluant les arrêts planifiés. Il offre donc une vision plus globale de l'utilisation de l'équipement.
Pour illustrer cette différence, examinons un cas complet sur une période de 24 heures:
Temps total disponible: 24 heures (1440 minutes)
Arrêts planifiés: 8 heures (480 minutes) comprenant:
Temps de production planifié: 16 heures (960 minutes)
Arrêts non planifiés: 4 heures (240 minutes)
Temps de production réel: 12 heures (720 minutes)
Calcul du TRS:
Calcul du TRG:
Cette comparaison montre qu'une même machine peut afficher un TRS relativement acceptable de 62,5% tout en ayant un TRG beaucoup plus faible de 41,7%, ce qui met en lumière des opportunités d'optimisation différentes selon l'indicateur considéré.
La situation actuelle dans les usines peut surprendre: selon les données recueillies par l'Institut de la maintenance industrielle en 2022, la moyenne des machines manufacturières au Québec affiche un taux de disponibilité d'environ 35% seulement. Lorsqu'on multiplie ce chiffre par les taux de performance (souvent autour de 75%) et de qualité (généralement entre 90% et 95%), les TRS résultants oscillent fréquemment entre 20% et 25%, ce qui met en évidence l'impact significatif des arrêts non planifiés sur la productivité.
Cette réalité représente à la fois un défi et une opportunité. Vous avez probablement déjà remarqué que le réflexe naturel face à un manque de capacité productive est d'investir dans de nouveaux équipements. Pourtant, l'amélioration du TRS des machines existantes par la réduction des arrêts non planifiés offre souvent un potentiel de gain bien plus important et moins coûteux. Une amélioration de seulement 10 points de pourcentage du TRS (par exemple de 25% à 35%) représente une augmentation de capacité de production de 40% sans aucun investissement en équipement supplémentaire.
Pour mesurer précisément les causes d'arrêts non planifiés, plusieurs approches sont possibles:
L'objectif est de déterminer clairement quand une machine est en marche ou à l'arrêt. Il ne s'agit pas simplement de savoir si la machine est sous tension, mais bien si elle produit activement. Plus important encore, quand elle est à l'arrêt, il faut identifier et catégoriser les causes.
Les arrêts non planifiés peuvent résulter de:
Différents outils peuvent être utilisés pour mesurer efficacement les arrêts non planifiés:
Le choix de l'outil dépend souvent du niveau de maturité numérique de l'entreprise et de l'importance stratégique des équipements concernés. Dans l'industrie agroalimentaire québécoise, une entreprise de transformation a réussi à augmenter son TRS de 42% à 68% en l'espace de six mois simplement en mettant en place un système de suivi des arrêts non planifiés sur tablette et en impliquant les opérateurs dans l'analyse des causes. Cette amélioration s'est traduite par une augmentation de la capacité de production de plus de 60%, leur permettant de répondre à la demande croissante sans investir dans une nouvelle ligne de production.
Une fois les données collectées, différentes méthodes peuvent être appliquées:
L'analyse de Pareto révèle généralement que 20% des causes d'arrêts sont responsables de 80% du temps perdu. Cette concentration permet de cibler efficacement les actions d'amélioration. Dans une usine de fabrication de composants électroniques, l'analyse a révélé que trois types de pannes sur un équipement critique représentaient 65% des temps d'arrêt. En concentrant leurs efforts sur ces trois problèmes, ils ont réduit les arrêts non planifiés de 47% en seulement trois mois.
La mesure peut s'effectuer en comptabilisant:
C'est souvent l'aspect le plus difficile à mesurer en temps réel, sauf pour les lignes très automatisées disposant de systèmes de contrôle intégrés. Néanmoins, même un TRS incomplet (sans l'indicateur qualité) reste précieux pour l'analyse et l'amélioration des arrêts non planifiés.
Le concept de TRS et le suivi des arrêts non planifiés peuvent s'appliquer bien au-delà des machines individuelles. Cette approche multi-échelle permet d'obtenir une vision cohérente de la performance à tous les niveaux de l'organisation:
Au niveau de la machine individuelle, le suivi des arrêts non planifiés permet d'identifier les problèmes spécifiques à l'équipement. Par exemple, une fraiseuse CNC dans un atelier d'usinage peut présenter des arrêts récurrents liés à des problèmes d'alimentation en matière ou d'usure d'outils. L'analyse fine de ces arrêts au niveau machine permet d'établir un programme de maintenance ciblé et d'optimiser les procédures de changement d'outils.
À l'échelle d'une ligne de production complète, le TRS permet de détecter les goulots d'étranglement et les interactions problématiques entre équipements. Dans une ligne d'embouteillage, par exemple, l'arrêt fréquent de l'étiqueteuse peut être causé par des problèmes en amont sur la remplisseuse. Le TRS de ligne permet d'identifier ces interdépendances que l'analyse machine par machine ne révèlerait pas.
Pour des postes de travail manuels, le concept s'adapte en mesurant les temps productifs versus les temps d'attente ou d'activités sans valeur ajoutée. Dans un atelier d'assemblage manuel, l'application du TRS a permis à une entreprise manufacturière d'identifier que 40% du temps des opérateurs était consacré à la recherche de composants ou d'outils. La réorganisation du poste de travail a permis de réduire ces temps improductifs à moins de 15%.
À l'échelle d'une usine entière, le TRS agrégé offre une vision macroscopique de la performance et permet de comparer différents départements ou processus. Une usine métallurgique a ainsi découvert que son département de finition affichait un TRS moyen de 30% contre 55% pour le département d'usinage, ce qui a orienté les priorités d'amélioration.
Enfin, pour une entreprise multi-sites, le TRS comparatif entre usines met en lumière les meilleures pratiques et les opportunités de standardisation. Un fabricant d'équipements électriques possédant trois usines au Québec a constaté des écarts de TRS allant de 38% à 62% sur des lignes de production similaires, ce qui a déclenché un programme de partage des meilleures pratiques entre sites.
Cette flexibilité permet de "zoomer" à différents niveaux de l'organisation et d'identifier précisément où se concentrent les pertes de productivité liées aux temps d'arrêt machine.
La collecte des données nécessaires au calcul du TRS et au suivi des arrêts non planifiés varie selon l'équipement:
Pour les machines récentes équipées de systèmes IoT (Internet des Objets), les données peuvent être collectées via des protocoles de communication standards comme OPC-UA, MQTT ou ModBus. Ces solutions offrent une précision exceptionnelle et permettent un suivi en temps réel. L'investissement se situe généralement entre 1 000 $ et 5 000 $ par équipement selon la complexité du système et des intégrations nécessaires. L'avantage principal est l'automatisation complète de la collecte, éliminant les erreurs humaines et libérant du temps pour l'analyse plutôt que pour la saisie.
Pour les équipements plus anciens, des solutions de retrofit permettent de capter les signaux électriques pertinents et de les transformer en indicateurs exploitables pour le suivi des temps d'arrêt. Ces systèmes, dont le coût varie de 500 $ à 3 000 $ par équipement, consistent généralement en des capteurs non invasifs qui détectent l'activité de la machine (vibration, consommation électrique, etc.) sans nécessiter de modification majeure de l'équipement. L'installation peut se faire en quelques heures et ne requiert généralement pas l'arrêt prolongé de la production.
Pour les entreprises avec un budget limité, des approches plus pragmatiques restent efficaces: tablettes en atelier pour la saisie manuelle par les opérateurs, tableaux de suivi visuels actualisés à chaque quart, ou même utilisation d'applications mobiles dédiées dont l'investissement se limite à quelques centaines de dollars par poste de travail. Ces solutions, bien que moins automatisées, peuvent constituer une première étape très efficace, surtout lorsqu'elles sont couplées à une implication forte des équipes.
L'important est de commencer par l'essentiel: si l'analyse préliminaire montre que les problèmes sont principalement liés à la disponibilité, concentrez-vous d'abord sur cette mesure avant de complexifier votre système de suivi des arrêts non planifiés. Une entreprise de transformation du bois a ainsi débuté avec un simple tableau de suivi manuel des arrêts supérieurs à 10 minutes, ce qui a déjà permis d'identifier et de résoudre des problèmes représentant plus de 20% de leur temps de production perdu.
Une fois les données collectées, l'analyse des arrêts non planifiés permet de:
Pour structurer cette priorisation, une matrice impact/effort s'avère particulièrement efficace. Voici comment l'appliquer:
Pour chaque cause d'arrêt identifiée, évaluez:
Les actions à privilégier sont celles à fort impact et faible effort. Par exemple, dans une usine de pièces métalliques, l'analyse des arrêts non planifiés a révélé que les changements d'outils représentaient 35% du temps d'arrêt total. L'impact était donc très élevé. Une analyse plus fine a montré que la préparation des outils avant le changement (effort relativement faible) pouvait réduire ce temps de 60%. Cette action a donc été priorisée et a permis un gain immédiat de 21% sur le temps d'arrêt total.
Un plan d'action type pour réduire les arrêts non planifiés pourrait se structurer ainsi:
Cette approche méthodique évite de disperser les efforts d'amélioration et maximise leur impact sur la réduction des arrêts non planifiés et la performance globale.
Pour diminuer efficacement les temps d'arrêt machine et optimiser votre productivité industrielle, voici les pratiques recommandées en détail:
La mise en place d'un système de classification standardisé des arrêts non planifiés est essentielle pour assurer une collecte de données cohérente. Cette standardisation doit inclure une définition précise de chaque catégorie d'arrêt, avec des exemples concrets pour éviter les ambiguïtés. Par exemple, distinguer clairement une "panne électrique" d'une "panne mécanique", ou un "réglage qualité" d'un "changement de série". Une entreprise de produits plastiques a ainsi développé une taxonomie de 25 types d'arrêts, regroupés en 5 catégories principales, ce qui a permis d'améliorer la précision de l'analyse de 65% et d'identifier des problèmes jusque-là masqués par des catégorisations trop génériques.
L'implication des opérateurs dans le processus de signalement et d'analyse des arrêts non planifiés renforce la précision des données et accélère l'identification des solutions. Pour maximiser cette implication, il est crucial d'établir un système de remontée d'information simple et immédiat, comme des tablettes tactiles avec interface intuitive directement en zone de production. Plus important encore, les opérateurs doivent voir que leurs signalements entraînent des actions concrètes. Un fabricant d'équipements électroniques a instauré des "réunions d'arrêts" quotidiennes de 15 minutes où les équipes de production et de maintenance analysent ensemble les principaux arrêts de la veille et décident des actions immédiates, ce qui a permis de résoudre 40% des problèmes récurrents en moins de trois mois.
"L'amélioration du TRS commence par la mesure précise et catégorisée des arrêts. Sans cette base, toutes les actions d'amélioration ne sont que des hypothèses," explique Marc Tremblay, directeur des opérations chez un important manufacturier québécois. "Depuis que nous avons mis en place notre système de suivi des arrêts non planifiés, notre TRS global est passé de 32% à 58% en 18 mois."
L'établissement d'objectifs progressifs d'amélioration du TRS est préférable à des ambitions irréalistes. Une approche efficace consiste à viser une réduction de 5% des arrêts non planifiés chaque mois pendant six mois, plutôt qu'une réduction de 30% immédiate. Ces objectifs progressifs doivent être associés à des indicateurs intermédiaires spécifiques, comme le nombre d'interventions de maintenance par semaine ou la durée moyenne des changements d'outils. Une entreprise agroalimentaire a ainsi fixé comme objectif intermédiaire de réduire le temps de changement de format de 45 à 30 minutes, avant de viser un objectif plus ambitieux de 15 minutes, ce qui a permis une progression constante et motivante pour les équipes.
La visualisation des données de suivi des temps d'arrêt dans l'atelier de production contribue à sensibiliser l'ensemble du personnel et à maintenir la dynamique d'amélioration sur le long terme. Les affichages doivent être simples, visuels et actualisés régulièrement (idéalement en temps réel ou au moins quotidiennement). Des codes couleurs intuitifs, des graphiques d'évolution et des comparaisons avec les objectifs rendent l'information immédiatement compréhensible. Un manufacturier de pièces automobiles a installé des écrans géants affichant en temps réel le TRS de chaque ligne et les principales causes d'arrêts, ce qui a créé une émulation positive entre équipes et contribué à une amélioration globale du TRS de 18% sur une année.
"La visualisation des données de performance en temps réel a complètement changé notre culture d'entreprise," témoigne Isabelle Côté, ingénieure en chef d'une PME manufacturière. "Auparavant, personne ne connaissait notre TRS réel. Maintenant, c'est le premier sujet de discussion lors de nos rencontres d'équipe, et chacun propose des solutions pour réduire les arrêts non planifiés."
L'analyse systématique des premiers arrêts de quart ou de journée peut révéler des problèmes récurrents souvent négligés. Ces arrêts "d'initialisation" représentent fréquemment une part importante du temps improductif total. Une entreprise métallurgique a constaté que les 30 premières minutes de chaque quart présentaient un taux d'arrêts trois fois supérieur au reste de la journée. En standardisant les procédures de démarrage et en mettant en place des vérifications préventives, ils ont réduit ces arrêts de début de quart de 70%, augmentant leur TRS global de 8 points.
La documentation et le partage des bonnes pratiques entre équipes et entre sites constituent un levier puissant d'amélioration. Les solutions efficaces développées par une équipe peuvent souvent être transposées ailleurs avec un minimum d'adaptation. Un système de gestion des connaissances accessible, regroupant les problèmes résolus et leurs solutions, accélère considérablement la résolution des nouveaux arrêts. Une entreprise manufacturière multi-sites a créé une base de données partagée des solutions aux arrêts non planifiés, réduisant le temps de résolution des problèmes récurrents de 65% en moyenne.
La mesure et l'analyse des arrêts non planifiés constituent la base fondamentale de toute démarche d'amélioration de la productivité industrielle. Le TRS, avec ses trois composantes (disponibilité, performance, qualité), offre une vision structurée des opportunités d'amélioration pour réduire les temps d'arrêt machine et générer des gains substantiels sans investissements majeurs en équipements.
La réalité actuelle des performances industrielles, avec des TRS souvent inférieurs à 35%, révèle un potentiel d'amélioration considérable. En identifiant précisément les causes d'arrêts non planifiés, leur fréquence et leur impact, les entreprises peuvent cibler leurs actions d'amélioration et obtenir des gains significatifs, souvent supérieurs à 30% de productivité supplémentaire.
Rappelons-nous qu'il n'est pas nécessaire de mettre en place un système parfait dès le départ. Commencer par mesurer les aspects les plus critiques, comme la disponibilité et les principaux arrêts non planifiés, constitue déjà une avancée majeure. L'essentiel est d'engager la démarche de suivi des temps d'arrêt et de l'inscrire dans une logique d'amélioration continue de la productivité industrielle.
Pour passer à l'action dès maintenant, nous vous recommandons de:
Cette démarche méthodique, même appliquée à échelle réduite dans un premier temps, permettra de démontrer rapidement le potentiel de l'analyse des arrêts non planifiés et de créer une dynamique positive d'amélioration continue au sein de votre organisation.
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